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LES ROMANS 28 I

romancier, " multipliés ". Heureusement, M. Paul Bourget ne multiplie point. Mais il tire sa conclusion. C'est que : " l'efFort du génie littéraire consiste simplement à découvrir, par intui- tion, les lois que les savants découvrent par une méthode plus humble et plus patiente." Voilà...

Ne disputons pas sur cet effort qui consiste à "découvrir par intuition " des lois. Il y a là une conception très défendable de la démarche du romancier. Et ce serait fort bien s'il découvrait, en effet, ces lois. Mais le danger c'est qu'un roman- cier d'aujourd'hui, et de l'école de M. Bourget, ne s'ingénie dans son œuvre qu'à les vérifier, les ayant apprises, empruntées des écrits de quelque savant spécialiste, — Régis ou Gilbert Ballet. Peu importe ! dira sans doute M. Paul Bourget, pourvu que l'artiste voie " ces lois en action ". Et lisez bien, je vous prie, la petite phrase que voici : " L'artiste, lui, y ajoute le mouvement ".

Ce n'est pas d'un hasard de plume qu'est résulté cet

    • y ajoute^\ Je crois y discerner, pour ma part, toute une

confession . . .

L'artiste de M. Paul Bourget n'est pas séduit, requis par des images prenantes. Il ne sympathise pas. Pour s'intéresser, il a besoin de comprendre d abord. Il remplace le don d'étonnement par un système d'investigation. Il est comme le médecin qui, devant un visage étrange, une figure pathétique, diagnostique aussitôt certaines particularités anatomiques, certaines modifi- cations des organes... Cet artiste se renseigne, se documente. Puis il met en œuvre ses notes, il illustre sa documentation. A des matériaux sans vie, il ajouU le mouvement. (Je dis qu'il l'y ajoute, et ne l'y infuse pas). Ce sont deux opérations distinctes, successives, que relient entre elles l'artifice du talent et les procédés du métier, La froide intelligence intervient seule dans la première, et sans doute, dans la seconde, a-t-elle encore la plus grande part. De l'une et l'autre l'émotion créatrice est absente, et cette faculté unique, mystérieuse, .divi-

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