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CHRONIQUES 279

notre âme trop raisonneuse un peu du rêve des poètes anglais. Nous leurs dûmes un chant nouveau et la révélation de certaine vertu musicale, restée trop longtemps sans culture dans notre langue, en dépit des indications de Racine, et qu'il nous semble aujourd'hui incroyable d'avoir jamais pu ignorer.

C'est là le fait littéraire le plus important qui se soit produit chez nous depuis la révolution romantique. Nous devrons sans cesse nous y référer dans ces entretiens. Toute la poésie pré- sente doit aux symbolistes tribut.

Que la réaction ait été excessive, que le souci d'impres- sionnisme et de suggestion directe ait parfois chassé tout autre souci, qu'on ait même perdu de vue la raison... je suis prêt à en convenir. L'œuvre de Mallarmé, les géniales Illuminations de Rimbaud en font foi. Mais, tandis que revient à nous la sagesse, nous recueillons le bénéfice de ces nécessaires folies. Le lyrisme français garde un tressaillement profond qui lui interdit de longtemps toute retombée dans la prose. Allons-nous assister à l'accord des contraires, après tant d'oscillations ? Ce serait le but idéal vers lequel devrait tendre aujourd'hui tout poète. Nous nous réjouissons ici d'avoir à noter ces efforts.

Henri Ghéon.

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