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ordinaires. Il est la proie de toutes ses conquêtes. Aucune, pourtant, ne le retient. Mais il s’est donné plus, en un instant, qu’un autre en dix années. Rien ne passera plus, paisiblement, à portée de sa pensée, de son désir, de sa main. Toute approche est pour lui le commencement de la possession. Et tout ce qu’il possède, il l’épuise. Tout ce qu’il aime, il le dévaste. Ce n’est pas que son cœur soit faux — le plus humain des cœurs, à la fois, et le plus déshumanisé — mais il enfante un rêve sans repos. Ce n’est pas qu’il prenne des masques, non : c’est le même visage, mais tour à tour si bouleversé, si profondément altéré d’une incroyable sincérité, qu’il apparaît méconnaissable…

« Ô Féodor Mikhaïlovitch, si ardent, si aigu et si humble, vous êtes profond et vrai entre les grands. Vous allez au delà de tous autres, sans doute… Dostoïevski, le cœur le plus profond, la plus grande conscience du monde moderne. »

Où faire intervenir, dans le domaine du sentiment, le concept de « perfection » ; et quelles notions ne point humilier devant celles de « grandeur » et de « plénitude » ?

« La force du style emporte tout — dit Suarès —, mais la profondeur du sentiment renferme tout, et le style même. »