184 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
avec les coquins ! Je descends bien du pilori où l'on m'a exposé à la risée et à la honte ! "
Ainsi passa pour toi, Daniel, le temps dans la geôle. Et il y avait cette ouverture étroite par laquelle tu projetais, au milieu des damnés, un regard aigu. Daniel, tu étais comme l'ange placé au centre du Pandemonium : les rires frénétiques des fous, les cris de remords des assassins, les blas- phèmes des ivrognes et le défi des voleurs mon- taient jusqu'à toi, entouraient ton cachot de leur plainte ; et, c'est dans ce bruit assourdissant, dans le heurt des chaînes et le bruit des verrous, au gémissement de la mort, que tu commenças de composer tes récits tragiques. Mais — oh ! n'est-ce pas ? — quand c'était Moll que tu voulais pein- dre, avec son visage pâle, son sourire doux et triste, sa moue adorable, tu fermais le guichet et te tenais dans ta cellule, loin, hors du monde...
Oh ! le jour que — le guichet étant poussé — quelqu'un vint, dans le corridor, y heurter de la main. Toc ! toc ! toc ! C'était la première fois. Et, il y eut un choc dans ton cœur comme si tu allais naître à un monde nouveau, comme si, tout à coup, tu allais être libre, à l'air et sous un ciel bleu, dans une campagne en fleurs, entre tes en- fants et ta femme. " Qui peut être là î " pensais-tu. Et, dans le même temps, tu étais glacé. Tu pensais que ce devait être tout simplement le door- keeper. D'un doigt brusque tu fis glisser le
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