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DANIEL DE FOE l8l

pour recueillir mieux tous les bruits, tous les sanglots, tous les chants et toutes les plaintes qui montaient, en un hymne damné, des cachots de la geôle ! C'était une chose impressionnante que toutes les formes, tous les spectres déments et agités que tu apercevais en même temps par cette ouverture et qui apparaissaient, l'un après l'autre, dans l'encadrement étroit du guichet ! Toi, tu étais là, sur ton escabeau, assistant à ce spectacle aussi paisiblement que si tu eusses été, dans l'un des théâtres de Haymarket, tenant ta pincette et ta pipe et considérant, de la manière la plus froide du monde, l'épisode le plus sensationnel de Macbeth ou du Roi Lear. Rien, de Foë, ne rappe- lait plus à ta mémoire, ces longues et lugubres veillées de Cripplegate, dans le temps que les voleurs, les rôdeurs et les filles pénétraient jusqu'à toi et venaient piller dans ta maison, pour les revendre dans The Mint, le coton, la laine, la soie et le velours.

Que de précieuses heures tu vécus, de Foe, entre ces froides murailles ! Sous les visages flétris, au fond des regards éteints des misérables, tu t'efforçais de retrouver le mobile de l'action irréparable qui avait mené là ces êtres. Ainsi, Daniel, tu avais entre les mains un riche trésor ; tu tenais tous les cœurs pantelants de ces hommes et de ces femmes. Tu n'avais qu'à les presser entre tes doigts comme font les vendangeurs du raisin

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