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148 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

main nerveuse semble trembler un peu, tu écris le Journal de la peste dans Londres.

Quand cette peste, apportée par on ne sut jamais quel navire, s'abattit dans Londres et fit, en peu de semaines, que le nombre des morts fût égal à celui des vivants, alors, Daniel, tu n'étais plus tout à fait un enfant vagissant sus- pendu sur le sein de ta mère. A ce moment, tu riais, tu chantais, tu étais déjà un joli boy frisé ; tu ne savais point que Londres fût un charnier sil- lonné de tombereaux funèbres ni que les corbeaux vinssent, jusque dans les maisons, dépecer les cadavres. Et ce que tu ne savais pas non plus, c'est que, durant que les lamentations des survi- vants se mêlaient au chant des prêtres, à la voix avinée des fossoyeurs, Charles II, the merry King, le joyeux roi, continuait à trinquer, banqueter, courir le lièvre entre ses chiens, ses favoris et ses maîtresses. Tout empanaché, chargé de bijoux et paré de velours, glabre et blanc comme une poupée de cire, il dansait, le soir, aux flambeaux, dans Whitehall. La Stewart, craquante de soie et d' satin, était aussi une poupée magnifique ; ell tournait finement, par devant lui, sur ses talons rouges et parfois, dans l'ivresse, levait haut la jambe 1

Alors ta longue et belle main, toute frémis- sante des choses effroyables que tu traces, tu la passes parfois sur ton front baigné de sueur. Len-

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