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NOTES 107

Racine et il n'est pas probable que l'on y fasse désormais des découvertes qui transforment de fond en comble l'interprétation d'une pièce. Une révolution comme celle de confier à des femmes les rôles de Néron et de Britannicus a mille chances de nous paraître excessive et de sacrifier de grandes beautés tradi- tionnelles pour quelques détails d'une ingénieuse nouveauté. Mais lorsqu'il s'agit de Racine, les détails et les nuances ont leur prix. Un faux jour momentané peut être utile pour aperce- voir tel trait que l'ordinaire distribution des clairs et des ombres ne nous révélait pas. Et dussions-nous ne rien décou- vrir d'inexploré, c'est déjà quelque chose que de nous faire écouter la pièce avec curiosité et de nous donner l'occasion de retrouver des beautés bien connues mais auxquelles nous ne pensions plus.

On ne saurait dire que le rôle de Néron ait beaucoup profité de la transposition qui en fut tentée. M. de Max a jadis rendu à ce personnage tout ce qu'il peut comporter — et au-delà — de couleur asiatique et de férocité voluptueuse ; mais il ne sacrifiait pas pour cela la force et l'autorité. On prête malaisé- ment au perfide éphèbe que nous présentait M*"' Ventura assez d'étoffe pour faire un tyran redoutable. Si quelques coins du rôle ont été charmants de fraîcheur ou assez effrayants de précocité sadique, ils n'ont pu nous faire oublier une invrai- semblance continue.

Il n'en est pas de même de Britannicus. Tout ce qu'il y a dans ce rôle, d'étourdi, de transi, de plaintivement amoureux, tout ce qui agace un peu dans la bouche d'un homme fait, devient touchant, émouvant dans celle d'un enfant. Ses soupçons, ses colères, sa crédulité, tout cela prend une parfaite cohérence. Il n'en faut pas conclure qu'une femme doive nécessairement jouer ce rôle ; mais on voit bien dans quel sens un acteur jeune et intelligent peut modifier son jeu en profitant de l'expérience qui vient d'être tentée.

J.S.

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