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I04 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'abord tant d'éléments disparus, on s'achoppe à tant d'épisodes parasites, de personnages intrus, qu'on tarde à rendre justice à l'habileté des auteurs, qui surent trouver la plus élégante solution pour concilier des intérêts contraires.

Un drame, écartelé entre le devoir de fidélité, les exigences d'une réussite sur la scène parisienne, et le désir d'intervention personnelle de libres adaptateurs enclins à user largement de leurs droits, court grand risque et s'en tient souvent à quelque prudent compromis. Les auteurs de V Eternel Mari se sont avisés de laisser à Dostoïevsky deux actes, de sacrifier le troisième au goût théâtral actuel, et se sont contentés du dernier pour en faire leur proie. Le résultat semble de valeur fort inégale, mais de la sorte, toute critique sera morcelée, tout reproche tempéré

— et en fin de compte, nous remercierons ceux qui menèrent à bien cette tentative et dont l'effort intermittent pour égaler le romancier, nous a valu des passages somme toute réussis.

Comment écouter pourtant sans impatience ce 3* acte gonflé autour d'un épisode développé hors de proportion : dans le roman, Veltchaninov se réveille tourmenté, pressent un danger, se redresse, étend les bras vers le divan oîi repose Trousotsky

— dans l'obscurité ses mains rencontrent d'autres mains, il saisit la lame dont Trousotsky s'était armé, se blesse... Ici, dès le début de l'acte, nous apercevons le domestique se servant des rasoirs du maître — procédé par lequel les auteurs désignent cet objet à notre attention — puis Veltchaninov appuie sans discrétion sur le défi qu'il jette à son ancien rival en dormant à côté de lui ; il paraît attendre et souhaiter quelque mauvais coup de sa part. L'autre, demeuré seul, fait longtemps briller le rasoir, retrousse sa manche, pénètre enfin dans la chambre voisine... Tout cet appareil de préméditation nous distrait sans profit.

Le dernier acte bouleverse entièrement la donnée du roman. Certes, le sujet alors soulevé, est beau : chez Trousotsky, la

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