1030 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
frais. Rabeux et Nolot le suivirent. Le Paul ne se dérangea point. Il s'étendit sur l'herbe, son chapeau de joncs sur les yeux. Il pensait à Juliette : on ne la voyait plus., maintenant, qu'avec la jeune M™® Cougny. Elles étaient toujours ensemble. Et les Gallois qui trouvaient ça, comme de juste, tout naturel ! Ils la laissaient libre. A dix-sept ans, elle était assez grande pour savoir se conduire.
— Un morceau de pain, Paul ? lui demanda Nolot.
— Non, répondit-il. Je n'ai pas faim.
Nolot, n'insista pas. Les trois hommes cassèrent la croûte, sans se presser, sans beaucoup parler. Ils avaient l'habitude de travailler ensemble depuis des années ; il leur arrivait souvent de manquer de sujets de conversation. Jamais non plus il n'était question que Nolot fût le patron, Belin et Rabeux les ouvriers. Ils faisaient tous les quatre à peu près la même besogne. A la fin de chaque semaine Nolot les payait. C'était tout.
Ils entendirent venir, à grand fracas, la diligence qui faisait le service entre la petite ville et Avallon. On pou- vait arriver ici ou par cette ligne d'intérêt local qui rejoint à Corbigny la Compagnie de Lyon — ceux qui ne voulaient pas dépenser d'argent, faisaient comme les Chipé : ils s'y rendaient en voiture à âne, — ou par cette diligence qui allait prendre les voyageurs au saut du train à Avallon. Elle les amenait le lendemain matin. Presque toujours elle allait et revenait à vide. Il y avait du monde aujourd'hui. Belin ne ratait pas une occasion : c'était un bavard de la meilleure espèce,
— Que le diable m'enfourche si ça n'est pas Cougny avec sa traînée ! Où est-ce qu'ils vont donc comme ça ?
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