LA SCIENCE ET LES HUMANITÉS, par M. Henri Poincaré (Fayard).
Par les soins de la " Ligue pour la Culture française " paraît cette brochure, la première d’une série destinée à réunir pour la défense des humanités les témoignages des hommes les plus notables, chacun s’adressant à cette fraction définie de la société où sa parole rencontre le plus de crédit. Aujourd’hui M. Henri Poincaré entreprend de convaincre les esprits préoccupés de seul progrès scientifique, de l’excellence des études classiques, non seulement pour la connaissance qu’elles procurent de nouvelles sources d’intérêt, mais dans le sens de la formation même du savant tourné vers sa seule besogne. M. Poincaré écrit dans ce style simple, mesuré, direct, où paraît la puissance de chaque mot mis en sa place, où chaque idée s’exprime par les termes les plus convenables, non à la gonfler, mais à la maintenir dans ses plus exactes limites.
Après avoir constaté que toute culture scientifique exige un souple maniement des ressources de la langue, devenue instrument de précision, et une connaissance parfaite des nuances grammaticales — l’exemple choisi à l’appui est fort caractéristique — M. Poincaré établit que seuls de longs exercices de transposition critique peuvent donner cette connaissance ; ceux qui ne savent d’abord mettre une phrase debout, jamais ne feront tenir un raisonnement d’aplomb. Mais bientôt la gravité des problèmes abordés s’élève, et il semble que l’écrivain se reconnaisse dans une région plus familière, comme s’il ne trouvait qu’à partir de là, le milieu plus dégagé, plus pur, nécessaire à sa pensée pour s’y déployer tout entière. Déjà par l’admirable conférence sur " l’Invention en Mathématiques ", nous avions appris qu’il n’existe pas de qualités exclusives au savant, que la vérité qu’il poursuit n’est pas bien éloignée de