faisait Beyle à travers la France : “ Partout la noblesse économise et améliore ses champs ; c’est exactement le contraire de ce qu’elle faisait avant 1789. ” Je conçois alors fort bien l’utilité de cette date de 1840 ; et, ce domaine de Petit-Fougeray, cette fertilité du bocage poitevin, ces terres qu’on laboure et ensemence, ces forêts qu’on entretient pour la chasse, ces moulins qui tournent sur de frais cours d’eau, toute cette activité dans les fermes et les métairies, voilà bien — pris dans un petit canton de la vieille France — ces aspects que Stendhal a vus un peu partout au temps de M. des Lourdines.
“ M. des Lourdines, nous dit M. de Châteaubriant, était vêtu d’une veste de panne verdie par de longs usages, chinée d’ors comme ses futaies, coiffé d’un vieux feutre, et chaussé de sabots qui lui tenaient les pieds bien au sec. ” Au demeurant discret, timide, assez gauche, mais, comme on dit, du “ noyau sous la peau ”, fruste et résistant. Voilà un portrait de campagnard bien campé. Et, quand ce petit propriétaire rural court les bois en quête de champignons ou les champs en quête d’herbes, il prend des allures de chèvre-pied assez belles. “ Il n’était plus (alors) Timothée des Lourdines, il n’avait plus d’âge ; dans sa chair circulait la sève des châtaigniers et des hêtres ; et son esprit, détaché de sa propre pensée, libre, immense, épousait toutes les formes, tous les murmures de la forêt. ”
Là, dans les bois, tout en foulant de ses bottes les bogues des châtaignes, les feuilles mortes et les faînes, sa fourchetine en mains et son carnier en bandoulière, M. des Lourdines, suivant la “ longère ” de la forêt, oublie un instant sa chère femme Emilie, toute percluse, casanière, retirée parmi des potions, dans la tiédeur de sa chambre ; il ne pense guère à Anthime, son fils. Ah ! ce fils : “ un gandin, un dandy, un pilier de cette jeunesse dorée qui paradait alors aux soirées du Gymnase, soupait chez Chevet avec des femmes à la mode et mettait sa fortune sur le tric trac et le reversi. ”
Il arrive bientôt que ce fils, si éloigné de lui maintenant,