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avec l'autre ! Quel égarement déplorable ! Quelle source de désappointements ! Et qu'il serait donc prudent d'inscrire en gros caractères, sur les certificats que délivre le maire ou le prêtre aux époux : " Il y a des mariages d'amour, il n'y a pas de ménages d'amour ! "
La Germaine de M. de Porto-Riche luttait avec ses pauvres armes, de toute la force de son instinct. Elle prétendait enchaîner l'homme aimé par des caresses, le diminuer pour le vaincre, tuer sa volonté pour retenir son corps, en garder au moins le contact, et jouir malgré lui, malgré tout, de sa présence mensongère. La Geneviève de Lucien Muhlfeld est, certes, plus raisonnable. Elle a compris qu'une intimité réelle ne pouvait se fonder sur l'amour des sens, qui nous saisit et nous quitte comme la fièvre. Elle a cru faire " la part du feu " et montrer une grande sagesse en ne demandant à son mari qu'une estime, dont elle était digne, une durable confiance. Elle lui a offert, pour sa vie à lui, pour les travaux de sa carrière, pour les soins de sa fortune et de sa gloire, une diligente colla- boration. L'amoureuse a voulu devenir une associée. Après dix ans, quinze ans d'amour industrieux, elle aboutit à cette consta- tation : que la femme a besoin de l'homme, et que l'homme n'a pas besoin de la femme. Est-ce donc, comme l'insinue le vieux parrain raisonneur, que " l'énergie de la femme est égoïste, même quand elle se figure la vouer à la fortune du mari " ? Geneviève paraît en convenir lorsqu'elle avoue à son amie : "Dans la vie, à quoi qu'on arrive, et par quelque moyen que ce soit, même quand l'on suscite, comme tu dis, des plans généreux, des travaux nobles, des honneurs, une renommée. Si l'on n'en tire pas le seul bénéfice qu'on souhaitait, on peut se sentir plus malheureuse que la plus malheureuse des créatures... "
Qui donc disait que la faillite de l'amoureuse Germaine était comme un châtiment de sa bestialité ? Elle avait une façon primitive d'exiger le bonheur. Voilà tout. M"""^ Tellier a
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