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66 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pas bon de quitter sa demeure pour se lancer dans les aventures — et il n'a pas son pareil pour vous retirer le goût de vivre.

Mais il ne sait pas que la poussière, la puanteur et la saleté ont cessé, depuis quelques années, de faire partie intégrante de la civilisation. Il ne sent pas son odeur et persiste à se réputer le plus grand peuple de la terre — dans une auge.

Le Voyageur et son petit sac couvert de toile grise flottèrent un instant à la surface de la foule, puis, orientés, disparurent.

Moins d'une demi-heure après, l'homme sortit seul de l'hôtel des Trois Rois, les narines propres, et se mit en quête d'un refuge contre l'Angoisse. Ce n'est pas impu- nément qu'on a passé vingt ans, à raison de dix mois sur douze, à traverser les lieux où les autres ont leurs foyers. Cela se reconnait à de terribles crises qui s'abattent sur les plus résolus dans le désespoir d'une vie manquée, et l'horreur incoercible de la solitude où le Métier les confine. Les capitaines au long cours et les employés des Wagons- lits prévoient, paraît-il, à certains signes, que le mal approche. Ils ont alors différentes manières de lutter. Quand par un temps de pluie battante, vous verrez le contrôleur de votre sleeping assis sur son tabouret, les mains entre les genoux, les yeux sur les tampons du wagon d'à côté, et que vous entendrez une petite chanson du genre de : " broum broum ph ph rrl, " comme le bruissement d'un gros hyménoptère enfermé dans une boîte à réglisse — vous saurez que cet homme assis là, est en train de penser à sa femme, à son carré de jardin,

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