Mais le cruel charmeur ne daigne pas m'entendre.
Quand je lui dis : tu mens, ce cœur n'a pas aimé.
Il répond à mon cri par un rire si tendre
Qu'il semble que s'effeuille en nymphéa de mai
La bouche du charmeur qui ne veut pas m'entendre.
Il poursuit : et l'essaim de paroles ailées
Bourdonne éperdûment autour du cœur mortel
Et se pose parfois sur ses feuilles brûlées,
Comme pour y chercher un vestige de miel.
Ainsi je suis le vol des paroles ailées.
Tant qu'enfin l'enchanteur m'apprend à reconnaître
Un passé fabuleux fait de tendres instants,
De serments inouïs et d'heures qui, peut-être,
N'ont jamais fait sonner le triste cœur du temps ;
Ainsi mon enchanteur m'apprend à reconnaître
Une âme de mon âme, une vie inconnue,
Un printemps de légende, un fastueux été,
Des frères et des sœurs étrangers à ma vue,
Des jours édéniens qui n'ont jamais été.
Et si je doute un peu de ma vie inconnue,
J'entends : " Qu'il est donc vil le souci qui te ronge !
N'est-il pas plus charmant que la Réalité
Ce monde si léger, ce caressant mensonge,
Ce pleur de fard tombé des yeux de la Beauté ?
Éloigne de ton cœur le souci qui le ronge !
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