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d'aDDIS-ABEBA a DJIBOUTI 687

droite vers le ciel déjà obscurci. Du fond de la tente, je suis des yeux Djamma en train d'accommoder des pin- tades. Sur le coin de la caisse malpropre où il est assis, il étale les filets détachés habilement, les racle du couteau, puis, pour les attendrir, les aplatit en tapant dessus avec une bouteille vide. Il les jette ensuite dans la friture où ses doigts, tranquillement, les retournent. Entretemps, il épluche une salade, non sans y donner un coup de dent en passant. A le voir, appliqué, digne et solennel, comment croire qu'il soit susceptible des passions les plus vives ? Une personne de moeurs faciles ayant, à Addis- Abeba, accepté de lui un thaler sans accorder en échange les faveurs dont cette somme représentait le prix, il n'hésita point, pour obtenir, non le remboursement de son thaler, mais l'exécution des obligations souscrites, à la traîner devant le tribunal de l'AfFa-negous qui, surpris tout d'abord, instruisit gravement la cause, en vue de son amusement personnel, je pense. Cuisinier remarquable, au surplus, je lui rends cette justice. — La nuit est fraîche, tranquille et vide. Les feux jettent un long reflet rou- geâtre sur les feuillages pâles ; dernière nous, la colline dresse une masse compacte sur la nue transparente. Le village est invisible et sans lumière. Des grillons de tous côtés font une musique métallique : afin que le concert pas un instant ne s'arrête, ils se relaient, et si l'un se tait, un autre à dix pas reprend la phrase au point tout juste où le premier l'avait laissée. De loin en loin, un glapissement aigu et furtif de chacal. On devine qu'à peine il l'a lâché, l'animal détale, comme effrayé de son audace et du bruit qu'il a fait.

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