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d'aDDIS-ABEBA a DJIBOUTI 667

mouvement vif, tourne-t-il la tête vers nous. Je descends jusqu'à la Modjo; l'eau limpide et lisse est ridée par la brise, des libellules volent en zig-zag au-dessus des roseaux. Mais, entre les talus des berges, il fait étouffant : je remonte. Ma tente, déjà dressée, est tout proche de la rivière, du seuil je l'entends, je la vois. Les mimosas touffus donnent aux prairies qu'elle traverse en aval l'aspect aimable d'un verger. Un mont isolé, aux formes carrées, se tasse au fond du paysage, grand trapèze de grès que la lumière bleuit. Mon boy m'affirme que les antilopes y pullulent : " Bezou Medafîel ". Ah, c'est bien possible, mais je ne m'en soucie guère, tout au délice du repos et de la détente. Les hommes, eux-mêmes, se tiennent cois ; allongés à l'ombre, ils sommeillent ou mangent sans mot dire. Assemblés autour d'un arbre, les mulets s'émouchent avec leur queue. Parfois, j'entends le sifflement léger et doux des milans : il m'éveillait à Addis-Abeba, il m'endort aujourd'hui...

Vers la fin de l'après-midi, je gagne à pied, par la plaine couverte de hautes herbes, le petit lac salé de Heddé. Il s'arrondit, solitaire et secret, au fond de la cuvette que forment les collines qui l'entourent. Du côté de l'est, elles sont coupées droit et la falaise trempe dans l'eau ; à l'ouest, une molle plage basse s'allonge au pied de dunes grisâtres. De haut, le lac apparaît d'un vert profond et riche d'aigue-marine ; ce n'est qu'en mettant le pied sur la grève qu'on s'aperçoit de l'opacité, du trouble de ces eaux saumâtres et croupies, pareilles à une purée d'absinthe. Le vent soulève de courtes lames, elles viennent battre le sable noir, les dépôts de sel jaunâtre

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