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650 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

naissance de ce qui ne vient pas de très loin, de ce qui n'a pas été payé très cher, ou de ce qu'on n'a pas reçu de seconde main — voilà qui nous valut peu après l'embardée du naturalisme.

Et je ne reproche point aux héros de ses romans ou de ses contes l'irrégularité de leurs actes, mais bien que ce soit l'ennui seul qui les pousse à s'échap- per de la continuité du réel, l'ennui toujours, qui prête à leurs excès cette allure saugrenue, où certains voudront voir je ne sais quelle impertinence aristo- cratique, où l'on ne sent jamais (comme du moins dans l'ennui de René, de Lara) l'excès turbulent de la vie.

��I>ans un de ses derniers et plus admirables romans, Dickens, préparant l'histoire d'un meurtre, peint le mortel effort du meurtrier pour y atteindre ; aucun "laisser-aller"; c'est, dit-il au contraire, un nageur fatigué qui s'exténue vers une rive ; la rive c'est le crime, qu'il lui importe, si péniblement que ce soit, de gagner.

Dans la petite Dorrit, à travers l'excessive épaisseur de la pâte, on croque tout-à-coup le surprenant épi- sode de la petite Tattycoram, qui jette son bonnet par dessus les moulins aussitôt qu'elle apprend que sa mère, qu'elle vénérait, n'était pas une " honnête femme " (ainsi fera Régine dans les Revenants)...

Mais de telles indications restent aussi rares chez Dickens qu'elles sont fréquentes chez Dostoïevsky. Ce n'est point qu'il en soit incapable ; mais il préfère

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