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642 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

avec l'affectation grotesque de son siècle, mais il saisissait avec empressement l'occasion de débarquer aussi tout ce qui tou- chait à la littérature. Un siècle avant Tolstoï, on assiste ainsi à cet étonnant spectacle d'un génial écrivain méprisant les ouvrages qui l'ont rendu célèbre. Pourtant, et comme Tolstoï encore, il reviendra à ses premières amours. Il écrira Les Dialogues de Rousseau juge de Jean-Jacques (1772-1776), et surtout les exquises Rêveries d'un promeneur solitaire (1777).

��Dans l'Ile Sonnante d'octobre, M. Roger Frêne se plaît à épiloguer sur les Variations du goût littéraire, dans une note bien venue, d'un scepticisme de bon aloi :

" ... Tous, naturistes, symbolistes, wagnériens, debussystes ou fauves, nous croyons pénétrer individuellement dans une voie nouvelle et créer un style spécial à notre génie, alors que nous piétinons sur des formules. Notre génie se manifeste, non par une suite d'idées connues ou de mots spéciaux à l'époque, mais par une énorme poussée de tempérament qui fait saillir ou crève leur platitude.

" A toute heure, on s'est écrié, comme du Bartas : " Je ne suis point de l'opinion de ceux qui estiment que notre langue soit... parvenue au comble de la perfection, mais au contraire je crois qu'elle ne fait que sortir presque de son enfance. " Une langue peut-elle vraiment avoir une enfance, une matu- rité, une décadence personnelles ?

" C'est un leurre de se croire toujours dans une période d'attente, de trouble et d'hésitation, puisqu'un idiome ne peut jamais être plus fixé que le soleil et le temps ne peuvent être arrêtés. Il participe au mouvement de la vie, qu'il exprime et rend manifeste avec ses changements et ses nuances. C'est en vain que pris d'un besoin de certitude nous essayons d'appuyer sur un terrain solide l'élément le plus instable : quelques passagères alliances de mots, dont sourira la génération de demain, mais qui sont pour quelques années, la condition indispensable de la vitalité de l'esprit. "

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