Page:NRF 6.djvu/641

Cette page n’a pas encore été corrigée

NOTES 62 s

convenir, l'intérêt fléchit beaucoup. Lorsqu'il s'agit de grandes privations endurées en Afrique ou de difficultés dont ne triomphent qu'une patience et qu'une vigueur sans défaillance, on retrouve un peu de l'exaltation qui remplissait le premier volume. Mais, dès que l'homme n'est plus à la tâche, dès qu'il a vaincu, ou simplement dès qu'il se repose, ses limites appa- raissent. On n'a plus devant soi qu'un journaliste courageux qui, pour la rapidité de l'information, bat tous les records, qui sait voler d'un pays à l'autre, voir vite et noter aussitôt. On s'étonne et on s'indigne qu'après avoir visité tant de contrées et de peuples, suivi tant de guerres, dirigé tant d'expéditions, connu tous les extrêmes de la fortune, cet homme semble n'avoir acquis qu'une médiocre connaissance du cœur humain, qu'une sagesse si peu profonde. Les événements auxquels il assiste en un jour, suffiraient à notre méditation pendant une année. Mais non, il est pressé, il a vu tout ce que l'on peut raconter dans le New York Herald et si ce n'est pas un défaut d'esprit qui l'empêche d'observer plus avant, c'est alors qu'il expie les exigences de son métier et les lacunes de sa culture, Plus Stanley s'élève socialement, moins il paraît grand homme. Les chapitres qui racontent son activité comme membre du Parlement sont d'une naïveté et d'une suffisance pénibles.

Qu'on imagine ces Mémoires écrits par un Français et l'on sera frappé du déplacement que subit le sentiment de pudeur. Cet Anglais raconte minutieusement sa vie, il cherche à en expliquer le développement intellectuel et moral et il escamote tout ce qui a trait aux sens, tout ce qu'il y a pu puiser d'expé- rience, tout ce qu'il a vu chez les autres. Réserve et décence, dira-t-on. D'accord, mais alors qu'il n'étale pas avec cette complaisance, des émotions religieuses dont on n'ose parler qu'une ou deux fois en sa vie, à ses amis les plus discrets.

Une intention moralisante est sensible d'une bout à l'autre de l'ouvrage. Dès lors la sincérité devient suspecte. N'oublions pas que c'est la femme de Stanley qui a fait le choix des passages à publier. En a-t-elle supprimé de plus cyniques? Est-ce elle, est-ce lui qu'il faut rendre responsable de notre insatisfaction ? On pourrait à la rigueur excuser chez la femme

�� �