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NOTES 631

TRADUCTIONS

��LE CADAVRE VIVANT, drame en six actes et douze tableaux, de Léon Tolstoï, traduit par N. Mynsky et H. L. (L'Illustration).

On voit bien ce qui pouvait séduire un romancier dans le fait-divers qui inspira à Tolstoï le Cadavre vivant; on voit moins pourquoi, dans sa pièce, l'auteur d'Anna Karénine l'a déformé, amoindri, jusqu'à en faire disparaître tout l'intérêt psychologique. Un mari débauché, convaincu de son indignité, se résout à recourir au suicide afin de permettre à sa femme de se refaire une vie nouvelle. Au dernier moment son courage fléchit ; il simule l'accident fatal et s'enfuit. Mais bientôt le goût de l'ivrognerie le pousse à se faire le persécuteur de ceux qu'il a voulu servir. Sa femme est bigame ; il peut donc vivre de chantage à ses dépens. Tout le long de cette histoire si spécifiquement russe (dérèglement nerveux, sautes de la volonté qui jettent l'homme d'une résolution extrême dans une autre) l'intérêt réside dans le personnage du mari et plus particulièrement dans le passage du dévouement à l'égoïsme sans scrupule. Or la pièce de Tolstoï est encombrée, toute l'attention y est accaparée par la femme, le second mari, la mère, la belle-mère, la belle-soeur, les amis de la famille. Le mari n'est plus qu'un doux ivrogne qui aime d'amour chaste la plus pure tzigane. Il raconte son histoire le plus innocem- ment du monde à un brave camarade d'auberge ; et c'est un forban qui, surprenant la confidence, a l'idée du chantage; mais il se heurte à un refus et dénonce les coupables à la police. Tout le monde est bon, tout le monde désire naturelle- ment le bonheur des autres ; seule la société est responsable du mal, soit qu'elle refuse le divorce au nom de la religion, soit qu'elle ait recours à ses tribunaux au nom d'on ne sait quelle honnêteté civile.

En vain le traducteur, dans sa préface, insiste-t-il sur

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