un vizir. Celui-ci me fit l’honneur de me distinguer et de m’acheter en même temps. Il me mit au travail dans ses jardins et moi qui suis fils de famille (un de mes oncles est Maître-Grand, monseigneur) je dus, pendant deux ans, sarcler les allées, émonder les arbustes et arroser les plate-bandes du fonctionnaire tripolitain. Votre Excellence se doute déjà que je ne restai pas longtemps sans chercher à revoir l’incomparable Giula. Après bien des manigances. qu’il serait fastidieux de vous narrer par le détail, je réussis à corrompre le chef des eunuques, un renégat toscan. Je sacrifai tout ce que j’avais pu arracher au désastre pour entretenir, ne fût-ce qu’une fois, ma bienfaitrice. Je me jetai à ses pieds, mais elle repoussa doucement mes caresses :
“ — Giacomo, me dit-elle, tant que j’ai été religieuse, je suis restée soumise à Dieu. À présent, Il a voulu me donner un autre époux : je lui serai fidèle, puisque telle est sa volonté. ” Ah ! monseigneur, cette fille est une sainte ! "
À part moi, je pensai que Giacomo Zambinelli, petit, noiraud, affligé d’un long nez et d’une figure grêlée, pouvait fort bien ne pas avoir séduit la divine Giula. Je m’expliquai ainsi le refus de celle-ci à chercher des consolations avec mon compagnon, et ne manquai pas de me flatter qu’à la place de l’Italien, j’eusse peut-être été plus heureux. Cette pensée vaniteuse fut le germe de toutes les sottises que je devais commettre par la suite.
Zambinelli reprit :
— Grâce à la complicité du renégat, nous nous vîmes, Giula et moi, assez souvent, profitant des siestes prolongées de son époux. Cela dura jusqu’à ce que, rom-