Page:NRF 6.djvu/550

Cette page n’a pas encore été corrigée

544 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Entretemps l'ambassadeur à La Haye menait une vie de plaisirs dont l'agréable fatigue le reposait des soucis des affaires. " Il se serait fort ennuyé, " écrit Lady Mon- tagu, " de jouer sur un théâtre de second ordre un rôle secondaire, s'il n'eût occupé ses loisirs en donnant des fêtes, en bâtissant des salles de danse de cent pieds de long, en courant les promenades dans un carrosse doré, surtout en obtenant auprès des femmes une série de succès dignes de Lovelace ou du duc de Richelieu... " — " Nos dames hollandaises, " pouvait-il écrire plus tard à son fils, " sont trop réservées et trop froides pour faire les avances, mais elles sont trop aimables et elles ont le coeur trop chaud pour repousser un honnête homme qui se présente bien. "

Le bruit de ses exploits fut assez grand pour qu'une jeune réfugiée française. M"* du Bouchet, chargée de l'éducation de quelques jeunes filles nobles et orphelines, se sentît de la répugnance et de l'indignation envers ce séducteur professionnel. Elle le dit à qui voulait l'enten- dre, Chesterfield l'apprit et fit la gageure de la réduire. Il joua la passion comme il savait le faire et bientôt M"" du Bouchet fut dans un état qui l'obligea à quitter La Haye sous les risées et aller accoucher dans un faubourg de Londres d'un fils auquel son vainqueur servit une pension. Chesterfield l'y oublia, se contentant de son portrait qu'il fit faire par la Rosalba, où elle était repré- sentée dans toute sa beauté et presque sans voiles, et qu'il plaça sur la cheminée de son salon, dans un fort beau cadre.

Cela se passait en 1731. L'année précédente, en récompense de ses services, mais au lieu du Secrétariat

�� �