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53 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

par malheur, n'est pas encore à moi et qui est horrible ; il me fait l'effet de l'enfer. Mon père, là-bas, pousse des hurlements effroyables et tombe dans des convulsions auxquelles personne ne survivrait que lui ; les oiseaux de mauvais augure mêlent leurs voix à la sienne, et le peu de figures qui m'approchent sont des figures de damnés. Ma foi ! j'ai beaucoup d'admiration pour ma piété filiale, je suis aussi estimable qu'Enée. Comme son père avait quatre-vingts ans il en prit soin, sans doute parce qu'il n'avait pas longtemps à en être ennuyé. Le mien est beaucoup plus jeune, ce qui rend ma piété filiale bien autrement méritoire et j'espère que Dieu me récompensera en m'envoyant quelque Lavinie ou plutôt quelque Didon. J'aimerais autant cette dernière, j'en serais plus tôt quitte." Mais en attendant ce jour qui, grâce à son père, n'était qu'un jour de joie, où il hériterait le nom et la fortune, Philippe Stanhope vécut chez sa grand'mère maternelle. Ce fut chez la marquise d'Halifax, dont une gravure de Bartolozzi d'après l'original de Lely nous a conservé la physionomie ouverte, intelligente et douce, qu'il eut la révélation de cet univers mystérieux qui n'existe que par sa propre volonté, qui est tout puissant simplement parce qu'il le croit, qui fait et défait les destinées, du moins les plus hautes, selon qu'il est hostile ou favorable et qu'on appelle le monde. Lady Halifax recevait la cour et la ville ; ce fut la première école de l'enfant qui, jouissant des privilèges de son âge, pouvait s'y former déjà de l'expérience. Lord Galway l'y ayant un jour remarqué, lui avait dit : " Je vous prédis que vous serez ambitieux^ mon petit ami. £h bien ! Si vous voulez réussir, levez-vous toujours de bonne heure, c'est le seul moyen d'avoir du

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