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ROSE LOURDIN 525

Oh î les nuits que j'ai passées, appelant Rôschen à voix basse entre mes sanglots !

Un peu avant la Noël, cette année-là. Mademoiselle Spiess quitta la pension. Le bruit courut qu'elle avait été renvoyée pour avoir tenu des propos inconvenants devant des petites filles. Mais on ne sut pas exactement de quelles petites filles il s'agissait. Vers ce temps, une des grandes me prit pour soufiBre-douleïirs. Elle me faisait rester debout, sous la neige, dans un coin de la covu", ou bien elle m'obligeait à courir à cloche-pieds d'un bout k l'autre du préau. J'étais sans défense contre elle. Maintenant encore je suis sans défense contre les affronts et les taqui- neries : la vie ne m'a rien appris. Je ne peux même pas dire que je détestais cette grande : je la subissais, attendant qu'elle se lassât. Ma seule vengeance, c'était de penser que je souffrais encore plus du dégoût qu'elle m'inspirait que de sa méchanceté. Mais, comme j'avais honte d'être traitée ainsi devant Rôschen, je fis semblant de croire qu'il s'agissait d'un jeu que nous avions inventé, cette grande et moi. Elle était si bête qu'elle croyait que je m'y trompais ; elle redoublait de méchanceté, et j'étais tout à fait malheureuse.

Après les vacances du jour de l'an, à la rentrée, on ne revit pas Rosa Kessler. Je compris qu'elle ne reviendrait plus. Une maîtresse nous dit que sa famille l'avait reprise. Je me rappelle le ciel, tout en lumière blanche, de ce jour-là. Comme une feuille de papier trop blanc collée sur chaque vitre. Le soir vint, pourtant. Je me sentis plus seule encore qu'au soir de ma première rentrée. Rosa Kessler ne reviendrait jamais plus. J'acceptai ce coup comme on accepte la mort, et j'allai de moi-même, avec

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