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ROSE LOURDIN 523

Pendant les grandes vacances, je trouvai chez des amis de mes parents une bonne d'enfants badoise. Je fis tout ce que je pus pour l'approcher : je voulais lui demander comment certaines choses se disent en allemand. Mes parents étaient tout surpris et fâchés de me voir recher- cher cette fille. Enfin un jour elle m'apprit qu'on employait plus volontiers " Rosele ", dans l'Allemagne du Sud, comme diminutif de Rosa.

Et peu après la rentrée, je fis cette expérience.

Un soir, comme Rosa Kessler passait devant moi dans un couloir où nous étions seules, je murmurai :

— Rosele, meine Rosele...

Elle se retourna et vint sur moi, l*air inquiet, le regard dur et droit :

— Comment sais-tu cela ?

Elle me prit le bras. Je répondis d'une voix que mon émoi rendait risiblement grosse :

— Oh ! je sais beaucoup de choses.

— Tant que ça ?

Elle me regardait minutieusement. Je la sentais presque irritée. Pour moi, j'étais ivre de sa présence. Le moment était venu de lui dire qu'elle n'avait rien à craindre de moi : que mon plus grand désir, mon seul désir au monde était d'être son amie. Mais je n'osai pas : cela avait trop l'air d'une ridicule déclaration d'amour ! J'espérais du moins qu'elle verrait ma tendresse dans mes yeux. Je les lui ofirais. Et puis, j'étais sûre qu'elle savait. Elle trouve- rait peut-être le courage de dire : oui. H ne m'en aurait pas fallu davantage. — Une longue minute nous nous regardâmes fixement sans rien dire. Elle baissa les yeux la première, toute gênée. J'avais laissé passer le bonheur.

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