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qui vous possèdent réellement, qui communient de vous, se taisent. Muets, ils connaissent votre suffocation, vos angoisses, votre lucide, aride hébétement, vos regards sur d’infinis déserts. Ils ne respirent plus sur tout l’espace que ce nuage de fumée touffue, meurtrière, qui envahit soudain la nature quand l’éclat de la dynamite a fendu en deux la montagne. Ils connaissent, ces infortunés, le terrible colloque de l’âme et du silence, où l’âme, comme un condamné qu’on mène au supplice, s’épuise à démontrer au sort qu’elle ne peut plus, malgré tout le courage, avancer davantage sur le chemin tranchant.

Mais parce que vous faites aimer, tolérer, désirer la mort, qui est l’injure de la nature. Douleur, je vous bénis ; la mort qui fait horreur, qui humilie le cœur et les sens, quand, près d’un cadavre respecté, les yeux baissés, le souffle retenu, épuisés de tristesse et de vénération, nous avons pressenti le moment de l’insidieuse dissolution, réponse effroyable, négative à tous les espoirs, à toutes les pudeurs du rêve.

O Mort qui me faites horreur, que j’ai refusé de reconnaître quand je défendais contre vous, contre votre notion même, mon visage et mon cœur qui louaient le jour, à Mort, je vous appelle, et moi-même j’accours ! Venez, panthère joueuse, bondissante, mangeuse séculaire, tête de mort vivace, velue, rougeoyante, venez, élancez-vous