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478 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

de permettre qu'elle soit mieux remplie ; elles ne sont que de petits bougements analogues aux rétablissements impercep- tibles de quelqu'un qui achève de prendre une attitude com- mencée et qui en corrige légèrement les retards. Pourtant ces améliorations minutieuses, ces amendements de détail, com- bien ils transfigurent le drame, quelle nouvelle profondeur, quel visage décisif il lui donnent !

Voyons mieux en quoi ils consistent. — Le premier Tête-d'Or est une œuvre contractée. On dirait qu'il a fallu, tant elle étouffait son auteur, qu'il la produisit avant de lui laisser pren- dre toute son expansion ; elle a une sorte d'abondance mal éployée ; elle est infiniment riche, mais elle garde la violence resserrée et le malaise du moule d'où elle est sortie. Les ima- ges, trop nombreuses, luttent entre elles ; il y en a une non pas pour chaque idée, mais pour chaque membre de l'idée. Aussi se contrarient-elles comme, sur un tronc, des branches trop fréquentes s'empêchent mutuellement de pousser et demeurent d'arides épines. Leurs élans manquent de place et se contraignent les uns les autres. Elles forment ainsi une sorte de hérissement un peu dur et court, un tumulte rompu, une houle où chaque vague sensuelle, aussitôt aux prochaines heurtée, s'écrase et s'efface avant d'avoir grandi.

Mais dans le silence qui sépare les deux versions du drame, ces images ont travaillé, comme on dit que le bois d'un meuble travaille : les plus essentielles, forçant peu à peu l'injuste réduit où elles étaient prises, se sont développées aux dépens des autres ; elles ont gagné tout l'espace auquel elles avaient droit ; elles ont forgé tout bas tous leurs membres, construit le corps dont elles n'étaient d'abord qu'une partie ; elles ont lentement composé leur intégrité. En s'étendant ainsi, elles ont recouvert les images épisodiques, celles dont on pouvait se passer. — De là les nombreuses suppressions : elles se sont faites toutes seules ; elles n'ont été que les conséquences d'une élaboration plus profonde et d'un mouvement positif. — Par- tout la partie la plus sensible, la plus expressive de la phrase a fait la conquête du reste, lui a communiqué sa vertu poétique. Souvent l'image s'est propagée en remontant et dans le sens

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