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454 ^^ NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

il traque le caractère personnel. Seules surnagent les caricatures vivantes à force de bouffonnerie.

Or l'extinction trouva les réservistes enveloppés de quelque chose qui ne leur tenait au corps que d'assez loin et qui singeait l'uniforme avec assez de puissante fantaisie pour éviter la confusion des caractères. Les cous longs sortaient du bâillement des cols comme des mâts de fêtes foraines. L'homme de trente ans a perdu sa gangue de chair rose et grasse. L'encolure s'est desséchée autour de son bâti de vertèbres et de muscles. C'est d'un usage ouvrier garanti ; mais cela ne gagne pas à la mise en valeur. Les dos courbes, suspendus à de grandes omoplates planes et rivés autour d'une puissante arête ossifiée, lâchaient dans tous les sens les plis flasques des capotes trop lavées.

Où manque le ventre rien ne tient au corps. C'est un axiome de tailleur que douze cents gaillards voûtés, aux peaux bouillies jusqu'à la couleur de la vieille écaille, vérifiaient pour la plus grande honte de la Coupe mili- taire. Les ceinturons craquelés, aux cuivres roussis et ternes, tombaient sur le devant, comme fit sans doute, en son temps, la ceinture de Vénus : les montagnes d'étoffe qu'ils accumulaient sur les flancs ne compensaient pas la retraite de la bedaine. L'usage des vêtements de travail sans bretelles faisait tomber en accordéon, sur les jambières détirées, les pantalons groseilles poinçonnés de cœurs nomades.

Des êtres exceptionnels passèrent, déjà bien astiqués, le long des couloirs bandés de lumières jaunes. Un gaillard étonnant d'embonpoint, Grosbois le rôtisseur, à qui la vie n'avait encore montré que ses sourires. Il portait dans sa

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