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442 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

nuit, assis sur son séant, les yeux cloués à l'obscurité, à se demander ce qui adviendrait de lui au cas où elle l'aurait pourri.

D'autres avaient lu les feuilles et raisonné sur la marche des affaires politiques en songeant à part soi que les saints de glace étaient passés, sans nuire à la vigne, aux fruits des arbres et aux légumes.

Puis le département s'était peu à peu endormi ; quelques consciences, comme des vitres éclairées qu'on aperçoit de loin sur le plateau, avaient veillé plus longtemps. Des plans encore avaient été ourdis par des individus contre le salaire d'autres individus ou contre le repos de la collecti- vité. Et des fermiers avaient attelé, à la lueur d'une lan- terne, dès deux heures de la nuit, pour conduire leurs écus à la foire du lendemain.

Enfin, peu de temps avant l'aube, le rouleau feutré du silence était passé sur le pays.

C'est à ce moment précis que les trains-postes étaient partis de la Capitale de l'Ouest. Les petits cabanes vitrées s'étaient engagées en cahotant sur les lignes secondaires, derrière les deux antennes de feu qui palpent l'espace. D'autres avaient filé sur les grandes directions, accrochées à des express qui coupent l'air, au sortir des tranchées, avec la netteté stridente d'une faucille dans les herbes. Et sur le quai des gares, bronzé par la rosée, les paquets postaux avaient roulé, plus lourds que d'habitude.

Trois gratte-papiers et un officier de recrutement étaient seuls au point de départ. Par leur fait, un mille et demi de cartes doubles non timbrées, rédigées au nom de la République, s'abattirent en ce matin de mai, comme

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