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43 8 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

pareils à des oies, mais que l'Abyssin qui m'accompagne déclare n'en pas être. Pour tirer la chose au clair, je leur envoie une charge de 4, puis de 2, sans aucun résultat. Ils font quelques pas, ouvrent leurs grandes ailes aux pennes blanches et s'envolent. Je ne les poursuis pas et continue maussadement. Abattu un pluvier aux pattes roses qui sautillait sur une dune. Je m'arrête alors et par un long détour à travers champs, commence de m'ache- miner vers le campement. Le couchant s'allonge dans la plaine. De quelle riche et splendide lumière, le paysage est empli ! Un tendre reflet rose pare la face dressée de l'Errer. Avec quel précis éclat, la clarté oblique du soir se pose sur les flancs ravinés du Zoucouala dont le cône bleu-de-Prusse s'arrondit à l'ouest ! Mais cela ne dure qu'une minute ; sitôt le soleil disparu, ces roses, ces bleus profonds se noient dans l'ombre : l'Errer redevient gris et âpre comme la pierre dont il est fait...

Les feux autour des tentes déjà sont allumés. Roulés dans leurs bernous, les hommes sont accroupis à l'entour et se chauflTent sans mot dire, leurs sandales de bois rangées à leur côté. Non loin de la source, les mulets sont rassemblés, chacun est attaché par les pattes à une longue lanière tendue entre deux piquets fichés en terre. L'air fourbu, ils se tiennent debout, immobiles, devant le tas de foin et de pois-chiches que toute la nuit, ils brouteront interminablement. Au pied des arbres, de grosses jarres d'hydromel et de talla, un tampon de paille bouchant leur goulot. Ce soir, il y aura grande beuverie autour des flambées de broussailles et d'herbes sèches dont la brise couche les flammes et rabat sur nous la fumée. A 6^ heures, la nuit est tombée. Il fait presque froid. Je

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