424 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
comme V exhalaison des rivièresy le soir.
Bien que tout passe devant moi sans s'arrêter,
je me connais dans la gravité d^une attente,
car je pressens que des passants et des voitures,
et des maisons dont je devine au loin les toits,
un être va surgir pour venir jusqi^a moi.
Je le verrai distinctement sous ma paupière
dans sa direction plus que dans sa Jigure.
Ma vie est assurée en attendant qu'il vienne.
Je baisse les rideaux sans allumer la lampe ;
je me laisse effacer par P ombre qui grandit,
pour que Pâme soit seule à subsister ici
et que le corps ne participe que des murs.
J'ai mis la clé à la serrure ; je m'assieds ;
je suis comble. Le temps est une mer étale
oh ma vie, en battant, émeut a peine une onde
et devient presque extérieure a la durée.
J'aperçois bien encor des chevaux et des hommes,
mais ils sont sans volume et gris, pour que mes yeux
ne retiennent plus d'eux que la chose qui passe.
Et tout h coup voici l'annonce et je me dresse :
ce bruit de pas sur les cailloux, c'est pour moi seul ;
ils vont sonner dans un instant sur le palier ;
ils s'amortissent au tapis de l'escalier ;
rien tC arrêtera plus leur progrès solennel ;
la clé noue, en tournant, un destin révolu.
Une portion de ma durée est à son terme :
ce qui est arrivé n'importe déjà plus,
car je suis anxieux de ce qui vient de naître.
��III
��Un soir que tu seras très triste, accoude-toi au-dessus de la rue et baignes-y ta face.
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