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37^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��PETROUCHKA, ballet d'Igor Stravinski, Alexandre Fokine et Alexandre Benois.

C'est parce que nous aimons les danseurs russes que nous prétendons ne pas dissimuler leurs défaillances et que nous leur avons reproché l'erreur de Narcisse. Mais quelle joie de pouvoir après la réprimande revenir à l'éloge et de s'aban- donner de nouveau à l'admiration ! Car ces Russes sont des enfants très chers que l'on se dépêche de gronder, tant on brûle de leur dire : " Et maintenant c'est fini ; je vous retrouve tels que je vous aime. "

Rien ne ressemble moins à Narcisse que Peirouchka. Il faut appeler Peirouchka un chef-d'œuvre ; un des plus imprévus, des plus primesautiers, des plus légers et bondissants que je connaisse. Que de travail, de calcul, de vaine recherche dans Narcisse ! Il semble que les auteurs se soient épuisés à joindre des lambeaux disparates d'invention. Mais à tant d'application Peirouchka fait la nique et danse sur un pied. Il naît un soir tout fait, tout droit, tout prêt ; il est complet, il est franc, il ne sait rien ; d'un saut il est sur le bord de la scène et s'agite et trépigne. Il fallait qu'il vînt pour nous faire sentir combien la fantaisie se fait rare. Ce ballet est fertile comme une comédie de Shakespeare ; il a le même élan et la même santé, il a la même justesse dans le caprice ; aucun détail arbitraire, dans un monde extravagant tout est à chaque instant ce qu'il devait être ; je suis perpétuellement surpris et pas une fois dérouté.

La musique est d'Igor Stravinski ; ce nom que nous apprit l'Oiseau de Feu, nous ne l'oublierons plus. Ce jeune musicien connaît et manie avec facilité notre orchestre moderne si laborieux et surchargé. Mais il ne cherche pas comme d'autres à se compliquer davantage ; il ne veut pas être original à force de petits rapprochements, de hardiesses minuscules, de fragiles et instables équilibres harmoniques. Son audace au contraire se marque par des simplifications (il y a dans Peirouchka un

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