pour cadre l’âpre pays qui fait la frontière du Périgord et du Limousin, comme il met en scène, d’ailleurs au second plan, les hobereaux qui perpétuent, sur cette vieille terre, des habitudes qui semblent dater de deux siècles, quelques-uns ont voulu y voir un roman de moeurs, un roman provincial. Pourtant, je ne crois pas que ce soit là ce qui a tenté les Tharaud quand ils songèrent à écrire cette douloureuse histoire. Elle nous ouvre des horizons extrêmement intéressants sur la vie rurale de ce coin de France, pour l’unique raison que les personnages qui y passent appartiennent à ce monde, et sont vrais. Mais c’est bien moins leur attitude sociale que les auteurs ont voulu nous montrer que leur âme, leur passion et leur caractère. N’est-ce point, du reste, l’agrément et la beauté du roman qu’il ait, comme les spectacles de la vie, des significations multiples et diverses et qu’il produise parfois chez le lecteur des sentiments et des idées que l’auteur n’avait point prévus.
C’est une singulière et tragique histoire que celle de la Maîtresse servante.
Un jeune hobereau du Limousin ayant perdu son père dans son enfance, est venu faire son droit à Paris parce que l’habitude chez les hommes de sa classe et de son pays est qu’on aille faire son droit à Paris. Il y a vécu des années assez mornes, dans de mornes cafés du quartier latin, prenant pour de l’indépendance d’esprit, un désir de scandaliser où s’affirme une sorte de déviation de la volonté de puissance. Il y a chez le triste héros des Tharaud un perpétuel réveil de l’esprit de commandement qui, même affaibli par l’inaction, subsiste dans une race de chefs, et un besoin maladif d’excercer cet esprit dans les petites choses et aux dépens des fables. C’est ce qui le pousse à imposer à sa mère, dans le voisinage de la demeure familiale, la présence de la maîtresse avec laquelle il a vécu à Paris, quand les circonstances l’obligent à rentrer au pays natal. Une certaine sensualité, et la puissance de l’habitude l’attachent à cette femme d’ailleurs aimante, délicate et tendre, bien plus qu’une grande passion. Mais le scandale qu’il cause et le chagrin qu’il donne à sa mère lui paraissent