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34° LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

s'obscurcit, tandis qu'au dessus de la mer le soleil de midi fulgure. Nous arrivons à cet endroit où les montagnes s'écartent du rivage pour livrer passage à une vallée profonde et longue, celle de l'embouchure du Liamone que nous voyons ram- per paresseusement vers la mer, se perdre avant d'y arriver, sous d'insidieuses plaines de roseaux. A droite et au fond, les contreforts des rochers s'estompent dans la brume. Le sol inculte, la con- trée dévastée par les fièvres, contrastent d'une façon émouvante avec la jubilation de tout à l'heure. Les formes de cette vallée sont grandioses et belles; le fleuve immobile, les nuages et la solitude lui donnent la pompeuse désolation des paysages romantiques. Mais nulle ruine s'y sert de point d'appui à la mélancolie qui reste éparse. C'est de la tristesse uniquement sensuelle, et si belle qu'on la boit à grands traits avides.

Nous atteignons à l'autre bord, un promontoire, et nous perdons de vue tous ces mouvants enchan- tements. Le sol redevient osseux et énergique, la brise marine nous caresse le visage, et la chaude mer vivante rit à nos pieds.

A Sagone nous trouvons quelques misérables huttes de pêcheurs, si misérables qu'on se refuse à y voir des habitations humaines, — une petite auberge où nous mangeons le fromage blanc à goût de fumée, et l'acre chevreau du pays. Les vestiges d'une église y servent de toit de porc.

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