3^4 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
me levai. Je marchai un instant, tenant le livre ouvert à la page, et j'aperçus Davy, immobile, adossé contre le mur du préau. Les mains aux poches, enfoncé dans un gros paletot bleu, il sem- blait grelotter à l'ombre trop fraîche. Je lui dis : " Tiens, lis donc ça ! " Il lut debout, lentement, et leva la tête lorsqu'il eut terminé : son visage n'exprimait pas l'admiration que j'attendais, mais une gêne indéfinissable et insupportable. Il eut un sourire forcé, me mit la main sur l'épaule et se prit à me secouer doucement, en disant : — Voilà, voilà ce qui arrive !...
Me trompé-je et mes souvenirs sont-ils défor- més par ce que je sais maintenant : il me semble qu'à cette époque Davy modifia légèrement ses habitudes. Il quittait parfois ses amis et s'insinuait dans le groupe des externes " pour voir ce que nous disions ". Je le vis s'appliquer à des tâches que l'examen ne réclamait pas. On nous faisait lire à tour de rôle, à la fin des classes de français ; et les anciens mousses, qui n'avaient pas à cet égard comme les externes des prétentions, méprisaient cet exercice. Or on vit un jour Davy s'essayer à bien lire. Ce fut un effort que le professeur encou- ragea, mais dont l'échec fut complet. 11 s'efforçait de lire avec naturel ; c'est-à-dire qu'il donnait aux dialogues de Corneille le ton détaché d'une con- versation ; il faisait disparaître tous les e muets
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