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284 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

regarder P. G. Patmore comme un bourgeois éman- cipé ou comme un parvenu de l'intelligence : je vois en lui, défauts et qualités, un aristocrate.

A la fin de 1845, la ruine s'abattit sur les Patmore. Peter George spéculait, la fortune changea soudain, et il dût quitter l'Angleterre pour échapper à ses créan- ciers. Il laissait ses fils sans ressources. A vingt-deux ans le poëte était brutalement jeté dans la vie, sur le pavé de Londres.

Mais sa position sociale lui restait : il trouva les amis de son père prêts à l'aider. Et d'autre part, la publi- cation de ses poésies lui avait acquis des sympathies personnelles : ainsi Thackeray, plutôt mal disposé à l'égard du père, donna au fils des lettres de recom- mandation pour le directeur de " Fraser's Magazine. " Pourtant, et malgré des travaux pénibles de traducteur et quelques pièces de vers placées çà et là, Coventry Patmore connut la pauvreté pendant une grande année.

Ce fut alors qu'il rencontra Tennyson et se lia avec lui d'une amitié qui, pendant six ans, fut tout à fait intime. Tous deux étaient grands noctambules, et passèrent bien des nuits de cette année 1846 à errer dans Londres. Tennyson avait quatorze ans de plus que Patmore, et l'on imagine facilement le respect et l'ad- miration sans mesure que le plus jeune des deux amis avait pour son aîné. " Je le suivais comme un chien ", a dit Patmore, dans un moment de rancœur, longtemps après la brouille.

Au printemps de 1846, Patmore, qui n'avait pas cessé d'aller dans le monde, fut présenté à Monckton

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