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NOTES 261

les conduira leur profession ou le loisir de leur curiosité. Mais ne voit-on pas combien cet avantage-là est peu urgent à ac- quérir, en comparaison des autres bienfaits attendus d'un sage idéal d'études scolaires, et combien ce serait chose préférable, sous tous les rapports, que nos enfants ne s'occupassent d'ap- prendre ainsi le maniement des langues étrangères qu'après s'être mis en possession d'un certain fonds général de connais- sances, ou plutôt après s'être assurés d'un appareil intellectuel pouvant être ensuite garni, développé, utilisé à leur gré ?

Oui, il est bien \Tai que l'enseignement actuel des langues étrangères risque d'affaiblir ou de fausser, dans l'esprit des enfants, cet instinct de possession d'un langage propre qui est la condition nécessaire du libre exercice de l'intelligence. Encombrés de constructions, de tournures et de mots étran- gers, les cerveaux des collégiens d'à présent ne peuvent pas s'exercer avec l'aisance et la sûreté convenables. Insensible- ment, de semaine en semaine et d'année en année, ils perdent pour ainsi dire, leur nationalité spirituelle, deviennent inca- pables de penser, de s'exprimer, de vivre en français. Il y a là pour l'avenir de notre civilisation un péril évident, mais dont la disparition complète et définitive n'exigerait qu'un très simple et facile changement aux programmes nouveaux de l'enseignement secondaire, — un changement consistant à substituer une fois de plus l'exercice de la version à celui du thème, et comme l'on faisait naguère, à apprendre les langues " par le dehors", sans obliger les élèves à " penser " en elles. A quoi j'ajouterai que les professeurs eux-mêmes de langues vivantes s'accorderaient unanimement, j'en suis persuadé, pour accueillir avec joie une réforme de cette nature, qui leur per- mettrait de contribuer à former l'intelligence et le goiît des enfants, au lieu de ne remplir auprès d'eux qu'un rôle un peu trop pareil, en fin de compte, à celui d'une gouvernante ou d'une "bonne" étrangère."

��Dans le Correspondant, un important article de M. Georges Fonsegrive, Y Etranglement des humanités.

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