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12 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Une apothéose céleste qui couronne l'ouvrage ne saurait racheter un si continuel blasphème.

Et qu'on m'entende bien, je n'ai pas à défendre ici la morale ou la religion ofFensée. Loin de moi la pensée d'interdire au poète d'aborder tel ou tel sujet — fût-ce le moins conforme aux mœurs du temps, le plus mystique. Le Sattl de Gide et la Jeanne d'Arc de Péguy me paraissent de nobles œuvres, et certes, la hardiesse n'y fait point défaut! J'entends ne point quitter le terrain esthétique : si j'ai prononcé le mot de blasphème, c'est de blas- phème contre l'art qu'il s'agit. L'art choisit, sacrifie, respecte. Or je ne vois dans l'ouvrage qui nous occupe, ni choix, ni sacrifice, ni respect.

Que M. d'Annunzio ne se .sent pas le courage, entre tant de beaux mots, d'images rares, de faire une sélection, nous le comprenons bien ; à ne con- sidérer en lui que le styliste, nous l'en excuserions encore. De Hugo à Whitman les exemples d'excès du verbe ne manquent pas. Nous admettrions donc son luxe dans la forme, si ce luxe ne l'en- traînait à ne plus même choisir dans le fonds.

La question se pose ainsi : Ou bien, il préten- dait faire œuvre chrétienne, si chrétienne que le Saint-Suaire pût s'éployer sur le théâtre, et que pût, sans scandale, y être mimée la Passion : il devait en ce cas écarter de la scène toute équivoque,

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