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NOTES


LE FILS DU SILENCE, par Han Ryner (Figuière).


Le silence de Vigny fut d’un romantique qui, regardant autour de lui, au-dessus de lui, ne trouva, parmi les hommes, que débilité, que faiblesse, et chez Dieu qu’indifférence. Le loup dans la bruyère, le Christ parmi les oliviers de Gethsémani sont les porte-paroles de ce rêveur, qui du haut de la tour de son aristocratique château, ne découvrit jamais qu’une immensité désolée, et pour qui, comme pour l’inoubliable René, la foule ne fut qu’un vaste désert d’hommes. A ce dédaigneux le silence s’imposait comme marque de son dédain. Il ne fallait point qu’il s’avançât bras tendus et bouche ouverte vers ceux qui ont des oreilles pour ne pas entendre et des mains pour ne pas toucher. Mais nous sommes venus, peu à peu, à une autre conception du silence : " La parole est du temps, le silence, de l’éternité, " dit Maeterlinck. C’est de cette sorte de silence que vraiment Han Ryner est le fils. Et parce que la statue ressemble moins au modèle qu’au statuaire, c’est dans le visage de Pythagore que je retrouverai les traits essentiels du visage de Han Ryner, Il a longuement médité sur le vain orgueil des certitudes humaines, et, comme le Flaubert de La Tentation et de Bouvard et Pécuchet, il en a noté, dans ses Voyages de Psychodore, les contradictions tantôt apparentes, tantôt irréductibles. La Tentation bat des ailes au-dessus de la poussière des croyances, et, fatiguée, épuisée, s’abat à l’ombre des bras de la croix. Quant à Bouvard et Pécuchet, c’est sans enthousiasme, sans lyrisme que, termites patients, ils pénètrent au cœur des manuels, au cœur du cœur humain. Han Ryner nous mène, et différemment, en d’autres pays.