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��NOTES

��VERS LES ROUTES ABSURDES, par André Spire (Mer- cure de France).

M. André Spire occupe aujourd'hui une place unique dans la poésie française. Les conditions de la société où il vit et, je puis bien le dire, de sa race, puisque lui-même s'en réclame et puise sans cesse dans la conscience de sa race son inspiration, la formation de son esprit et les besoins de son âme, tout sem- ble l'avoir destiné à prendre position de combat en face du monde, à ne proférer aucun chant qui ne soit lourd d'activé intention. Il est né pour l'imprécation et la moquerie ; et la " satire " qui dormait depuis les ïambes, et les Châtiments, à son appel s'est réveillée, lui prêtant une langue fraîche et des traits neufs. Or, celui qui parle aujourd'hui, ce n'est pas au nom d'un parti, mais d'un peuple ; d'un " peuple " où toutes les misères possibles du peuple se seraient donné rendez-vous.

Versets, plutôt que vers. Mais le verset biblique a trop de pompe, que manie superbement un Claudel. Le halètement des indignations, la danse piquée des ironies, vont le diviser en fragments plus courts, plus cinglants et plus oppressés. Il ne s'agit pas de chanter — mais de ponctuer l'invective; et la rime serait un jeu ici, où le plaisir sonore n'a que faire. Si parfois elle éclate, obsédante, " en ronron ", la plupart du temps elle manque. Le vers blanc, en cette occasion, non seulement s'explique, mais s'impose. Il faut une voix dure à celui qui châtie ; à celui qui s'adresse au peuple, un vers libre roturier, où tous les mots vont prendre place ! Il n'est pas de moder- nisme, d'américanisme, de grossièreté qui les disqualifie au

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