856 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
mienne, quoiqu'il ait sur moi l'avantage de bien des faveurs qu'il me faut attendre.
Est-il possible, ma douce Serena, que vous n'ayez que quatorze ans ? Il y a un mois, votre maman me dit que vous en aviez quinze ; et, à coup sûr, elle sait calculer mieux que vous. Si mon jugement devait être guidé par votre simplicité et votre innocence, je pourrais vous croire au-dessous encore du plus jeune de ces âges ; mais, quand je considère vos belles formes, la pleine perfection de votre svelte personne, qui m'assure que vous ne grandirez plus guère ; et, surtout, quand mon cœur se rappelle les gages indubitables que lui donne le vôtre, j'incline à pen- ser que votre mère sait mieux compter que vous.
Vous m'avez rendu assez heureux par votre choix, ma Serena, pour que je ne souhaite pas de hâter, par une aveugle précipitation, la venue du plus beau jour de ma rie. Vous voir et vous entendre, vous offrir les pauvres fruits de mon imparfaite expérience, et rafraîchir mon âme au contact de votre pureté, c'est là une joie qui dépasse le plus haut mérite. Et pourtant, dans ma con- fiance, je vous supplie d'aimer plus que jamais
Odoardo.
Serena à M. Talboys.
Allons, Odoardo, Odoardo, qu'avez-vous gagné à me demander si j'étais bien sûre d'avoir seulement quatorze ans ? L'oncle Rapi, à qui je l'ai demandé, m'a examinée d'un regard sévère, et a crié deux fois : " Seulement ! seulement ! Per Bacco ! tu as treize ans, ni plus ni moins ! '*
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