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802 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

méditatif, s'il avait pu avoir et le génie et l'intel- ligence de son génie (mais cette double propriété est d'une rareté inouïe) il se fût ainsi compris. Or Chateaubriand l'a deviné quand à propos des per- sécutions qu'eut à subir M"^ de Staël au moment de l'apparition du livre De F Allemagne^ il cite l'envoi assez fier que l'auteur avait fait du premier exemplaire à l'Empereur, et le souligne : " La confiance du mérite qui se juge et s'égalise à la domination suprême, cette sorte de familiarité de l'intelligence qui se place au niveau du maître de l'Europe pour traiter avec lui de couronne à couronne, ne parurent à Bonaparte que l'arrogance d'un amour-propre déréglé. " Napoléon n'avait que la vanité de son génie. La pensée d'une équi- valence l'eût offusqué. Peut-être était-il simple- ment la proie inconsciente de son démon.

Chateaubriand en devint une des victimes, qui ne fut pas tant à plaindre, prétendra-t-on, et ce- pendant n'est-ce pas quelques mois plus tard qu'il écrivait à un ami des lignes angoissées : "Je deviens vieux, je n'ai pas un sou, et ne pouvant plus parcourir le monde, je ne cherche plus qu'à le quitter. Il faut faire une fin, et je vous attends pour savoir si c'est la Trappe ou la rivière qui doit finir la tragi-comédie?" On sait comment elle ne devait se terminer en lent et glorieux soleil couchant, mais après combien de nouvelles vicissi- tudes, que le 4 Juillet 1848 ; la lettre est datée

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