77^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
et de préciser notre contraire ; mais ces découvertes ne se font que dans une sorte d'enthousiasme ; elles ne sont, si l'on peut dire, que la récompense d'une sympathie, d'une volonté de comprendre inlassables. Une trop lucide prudence ne va pas sans froideur de cœur et sans anémie. M. Billiet n'était- il pas assez intelligent pour écrire son livre... sans aller en Egypte ? Un tel voyageur, pour employer deux phrases de Flaubert, " a un avantage sur ceux qui voient plus loin et qui sentent d'une façon plus intense, c'est qu'il peut justifier ses sensations et donner la preuve de ses assertions. Et dans le développement d'une théorie, comme dans la pratique d'un sentiment " il fait illusion et prend un avantage éphémère sur " les natures plus engagées dans l'infini, chez lesquelles l'idée chante et la passion rêve ".
J. S.
EXPOSITIONS K.-X. ROUSSEL, G. D'ESPAGNAT, M. DETHOMAS, etc.
M. Roussel est le plus poète de tous nos peintres et le seul qui ait consenti à faire appel aux anciens dieux de l'École, aux nymphes, aux satyres, aux bacchantes que l'Ecole avait figés, pour exprimer sa sensibilité personnelle. Que celle-ci, émue des paysages quotidiens de France, ait trouvé le moyen de s'exprimer directement, spontanément en mythes, que ces figures mythologiques naissent du paysage même, le com- plètent, le couronnent, en demeurent inséparables, voilà ce qui n'est explicable que par un don vraiment divin. Comme Mallarmé, comme Debussy, comme Vielé-Griffin arrachant à l'académisme, la flûte éternellement fraîche du satyreau et du faune, Roussel reprend la tradition comme il sied, non par la forme, mais par le fond, mais par le sentiment ; il sait que les dieux classiques ne secourent point les esprits secs, qui sans les avoir vus les conçoivent impassibles, mais seulement ceux qui vraiment les voient, les touchent, qui les connaissent par les sens — et que si l'intelligence conclut et parfait l'œuvre
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