cependant ; un médecin doit venir encore ; mais comment décider Bernard à l’accueillir ? — Bernard n’a pas besoin de la lumière. En quelques scènes magistrales, tout le sujet, tout le caractère est posé ; tout le sujet tient dans ce caractère. Ironie et bonté, désir anxieux et vain, orgueil, colère, et toutes les profondeurs de l’être replié sur lui-même... c’est vraiment beau ! — Et qu’on n’objecte pas qu’il y a là erreur psychologique, l’aveugle étant de sa nature fondamentale gai ! Le poète n’a-t-il pas le droit, le devoir, de nous peindre l’exception et M. Duhamel un exceptionnel aveugle ? Qui sait en outre si l’inquiétude qui le ronge n’a pas été créée artificiellement en Bernard ? La Lumière commence précisément là où finit cet autre drame, non moins bouleversant et qui n’a pas été encore écrit : celui de l’homme qui ne voit point, dont l’homme qui voit détruit peu à peu le bonheur en lui donnant l’espoir du jour. Quel admirable cinquième acte ce premier acte aurait donc fait ! Tout y est vivant, hardi, juste, en place ; plein de nuit transparente, de lumière invisible, de jour mystérieux. Et dans ce nuage, le héros reste homme; vivant dans une atmosphère idéale, il a sous lui la même forte assise de la terre, sur quoi reposent les héros d’Ibsen. Mais où va, mais où peut maintenant le conduire l’auteur ?...
Dans l’aventure, dans le lyrisme, dans la rhétorique, dans le symbole ! Nous nous trompions. C’est un poème dramatique qu’a voulu écrire M. Duhamel ; quelque chose l’intéresse plus que ses personnages, ce sont les idées et les mots; l’idée de la lumière, le mot " lumière ", au sens physique, métaphysique et moral. Les nécessités préconçues du développement idéologique et lyrique devront mener le drame désormais ; il ne restera " drame " que par la vertu toute extérieure de quelques coups de théâtre artificiels. — Il faut ici changer de point de vue, goûter l’éclat des mots, l’ingéniosité des tirades, la curieuse mise en action d’une théorie de la connaissance (connaissance par les yeux, connaissance par le toucher, connaissance par le cœur, une par acte) ; il faut ne point nous étonner si Blanche qui aspirait à l’ombre, brûle ses yeux en effet, en dépeignant à Bernard le soleil ; si capable de guérir,