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750 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

à ma manière, continuant ainsi à vivre dans la troisième période de mon séjour ici, qui est cicéronienne et ironique.

Madame de Chatel. — Je suis curieuse de savoir...

L'Abbé Pastorelli. — Je me moque d'eux... J'écris de petits morceaux satiriques où je les raille impitoyable- ment, des sortes de pamphlets.

Monsieur de Chatel, stupéfait. — Des pamphlets ?

L'Abbé Pastorelli. — Oui. Je ne puis oublier mon éducation d'humaniste. — J'ai fait autrefois des rêves littéraires... et même, il me semble, un cahier de vers, qui les réalisaient imparfaitement, d'ailleurs. — Alors, le soir, au bruit de leur sérénade, je compose sur eux des pages, je puis dire vengeresses. Comme ils ont des noms ridicules, je leur donne des surnoms, selon la coutume des romans du XVIP siècle. Le maire s'appelle Le Grand Vizir. Sa fille, sorte de créature vaniteuse et stupide qu'ils veulent me jeter dans les jambes pour me faire oublier mes devoirs et mieux me vilipender ensuite, m'a semblé mériter le sobriquet de Dalila. L'immonde mor- veux que vous avez vu tout à l'heure se nomme, par antiphrase, Eliacin. Le garde-champêtre, sorte de brute stipendiée par le Conseil municipal, devinez...

Monsieur de Chatel qui^ avec sa femme^ écoute, stupéfié, ces révélations. — Je ne sais pas, moi... Goliath ?

L'Abbé Pastorelli. — Non, Holopherne, simple- ment. Le facteur, un brave homme d'ailleurs, et puisqu'il porte les lettres, la Colombe de l'Arche. Il y a aussi des appellations moins bibliques, prises tout uniment dans un répertoire d'analogies naturelles. Ainsi la femme de l'instituteur, qui fait le chef d'orchestre dans les cantates

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