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744 J-A NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

dont il s'était servi dans la journée pour faucher de l'herbe. Terreur de l'enfant qui se met à tourner en rond, affolé, comme une pauvre petite chèvre autour d'un piquet. L'ivrogne, en voulant l'atteindre, trébuche et tombe, le front sur sa serpette. Le sang coule. Tous mes paroissiens accourent et, aux cris de l'ivrogne accusant mon enfant de chœur, feignent de croire à une agression de ce pauvre petit sur la personne de ce grand flandrin. Ils me l'ont massacré, littéralement. L'un d'eux lui a crevé un œil... Je l'ai envoyé à Nice, en pension chez un grand oculiste. Puis, je me suis employé à le faire entrer au collège. Mais je ne l'ai jamais revu, et je sais qu'il est resté borgne.

Madame de Chatel. — Il y a eu un procès ?

L'Abbé Pastorelli. — Une espèce d'enquête où quarante-deux témoins ont déposé contre moi. Mais cela n'a guère d'importance. Ce qui m'avait mis hors de moi, ce que je ne pouvais absolument pas supporter sans révolte, c'était la manière dont ces malandrins avaient traité mon acolyte. Une sainte colère me prit. J'affichai sur mon église une proclamation avertissant que, comme pasteur, je prenais Dieu à témoin de la conduite infâme qu'ils avaient tenue et que je les abandonnais désormais à leur mauvaise conscience. Comme cette intimidation, d'ordre tout moral, pouvait risquer de ne pas les impres- sionner profondément, j'ajoutai que, comme citoyen, je citerais immédiatement, en justice de paix ou en correc- tionnelle, selon le cas, le premier habitant d'Opio que je surprendrais en train de me porter un préjudice quel- conque, à moi ou à quelqu'un qui me toucherait en quelque manière, depuis ma gouvernante jusqu'à mes

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