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PETITS DIALOGUES GRASSOIS 74 1

de Notre-Seigneur à mes nouveaux fidèles, remerciai le Ciel de m'avoir accordé cet Eden pour séjour et promis de lui conserver toutes les âmes qu'il ne pouvait manquer de compter déjà, dans une telle contrée. Et je m'en- dormis d'un sommeil d'extase.

Le lendemain, la première visite que je reçus fut celle du maire. Cet homme distingué, propriétaire foncier de son métier et possesseur de trois paires de bœufe, cet homme distingué s'assit à ma table, but le vin d'accueil que je lui offris et me parla en ces termes, auxquels je ne change pas une syllabe : *' Monsieur, dit-il, je suis maire de ce village et franc-maçon, comme d'ailleurs la majorité de la population masculine. J'ai décidé qu'il n'y aurait plus de curé ici, j'ai réussi à fatiguer votre prédécesseur, qui a fini par s'en aller. Vous, je vous avertis loyalement. Il vaut mieux que vous partiez de vous-même. Sinon, nous nous verrons obligés, mes frères et moi, d'employer tous les moyens. . . " — " Monsieur le maire, lui répon- dis-je, je regrette infiniment que des ordres auxquels je suis obligé d'obéir m'empêchent de suivre votre conseil. Du reste, tant que les lois de séparation, dont on parle tant, ne seront pas votées, je n'ai pas le droit de me considé- rer comme autre chose que comme un fonctionnaire de la République, installé à côté d'un autre fonctionnaire de la République : vous, monsieur le maire. " — " Tout ça, c'est des phrases, répliqua-t-il en se levant. Je n'aime pas les phrases. Nous verrons si vos oreilles pourront sup- porter plus de deux mois la petite musique que nous vous réservons. " Et il partit, son chapeau sur la tête.

Madame de Chatel. — Mais c'est abominable, tout simplement... Et qu'avez-vous fait ?

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