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PETITS DIALOGUES GRASSOIS 735

régime et d'un imposant jeu de gourdins de toutes formes et de toutes tailles^ on entre dans une salle à manger qui fui autrefois blanchie à la chaux mais que le temps et les fumées d'une cheminée récalcitrante ont rendue toute saure, elle et ses meubles : un buffet mas- sif, chargé d'une vaisselle dépareillée et rustique^ une grosse table ronde, des chaises de paille^ quelques almanachs, le portrait des trois derniers papes, un bouquet de feuillages de chêne devant la fenêtre à bar- reaux de fer. Un peu d'attendrissement vous prend à voir toutes ces choses qui disent tant de pauvreté ingé- nieuse et de souffrances quotidiennes supportées en silence, et qui aussi attestent, par leur netteté rigoureuse, la présence, non loin de là, de quelque gouvernante sage et dévouée.

Madame de Chatel. — Il me semble que je l'aime- rais pourtant, votre solitude.

L'abbé Pastorelli. — Oui, madame, maintenant. On n'aime la solitude qu'avant d'en avoir fait l'expérience. Après, on s'aperçoit que c'est bien la pire des sociétés. Mais je ferais mieux de vous oflFrir de quoi vous remettre des fatigues de votre.... pèlerinage. (Il ouvre une armoire^ en rapporte un plateau de verres et six bouteilles de toutes les couleurs.) Voici, madame, les quelques objets terrestres <jui me rattachent aux vanités de l'existence. En goûtant ces liqueurs, vous comprendrez, mieux encore qu'en les admirant, la poésie des plantes des champs, et vous flatte- rez mon orgueil de distillateur.

Monsieur de Chatel. — Comment ! c'est vous, monsieur l'abbé, qui avez liquéfié vous-même ces topazes, ces émeraudes, ces grenats, ces améthystes ?....

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