PETITS DIALOGUES GRASSOIS 729
pâtes à l'emporte-pièce finissent par l'exaspérer à la lon- gue. Alors, il s'émousse, il retourne son fil, il s'affole, quoi ! Tandis que la peau de Suède le prend par la dou- ceur. Et la douceur, voyez, monsieur Maurice, en tout, c'est le secret de la réussite.
Monsieur Truc, se levant et % écartant de dix pas de son collègue. — Écoute, Bœuf, c'est bien par égard pour notre vieille amitié que je ne t'écrabouille pas immédiatement.
Monsieur Bœuf, se levant aussi. — Viens-j seulement, qu'on rigole un peu...
Monsieur Truc. — Tu as de la chance que je sois patient. Ah ! tu peux dire que tu as une fiére chance !
Monsieur Bœuf. — Pauvre Truc ! je ne voudrais pas être à ta place. Trente sous de ma peau, je ne les donnerais pas.
Monsieur Truc, se mettant en garde de boxe. — Viens-y, que je te la crève, la peau.
Monsieur Bœuf, levant son coude. — Tu n'as pas besoin de fermer le poing, va. Si je voulais je l'ouvrirais comme on pèle une figue.
Monsieur Truc, se maîtrisant encore. — Je veux gar- der le beau rôle... je t'attends.
Monsieur Bœuf. — J'ai peur de moi, vois-tu, j'ai peur de te tuer... Alors, je me tiens... Je ne veux pas de sang dans le salon de M. Foucart.
Monsieur Truc. — Viens ! que je te mange le foie.
Monsieur Bœuf. — Eh ! non, tu ne me mangeras pas le foie.
Monsieur Truc, calme et sûr de ce quil avance. — Si ! je te le mangerai.
Monsieur Bœuf, également calme. — Non, tu ne me le mangeras pas.
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