ISABELLE 63
discrète taloche de sa maigre main mitainée. Il y avait des témérités, des ruses, des délicatesses. Mademoiselle Olympe jouait un jeu serré, concerté. Au début de chaque partie, on pointait, on hasardait la surenchère selon le jeu que l'on avait ; cela laissait un peu de marge au bluff ; Madame de Saint-Auréol s'aventurait effronté- ment, les yeux luisants, les pommettes vermeilles et le menton frémissant ; quand elle avait vraiment beau jeu, elle me lançait un grand coup de pied sous la table ; Mademoiselle Olympe essayait de lui tenir tête, mais elle était désarçonnée par la voix aiguë de la vieille qui tout à coup, au lieu d'un nouveau chiffre, criait :
— Verdure, vous mentez !
A la fin de la première partie. Madame Floche tirait sa montre, et, comme si précisément c'était l'heure :
— Casimir ! Allons, Casimir ; il est temps. L'enfant semblait sortir péniblement de léthargie, se
levait, tendait aux Messieurs sa main molle, à ces dames son front, puis sortait en traînant un pied.
Tandis que Madame de Saint-Auréol nous invitait à la revanche, le premier jacquet finissait ; parfois alors Monsieur Floche prenait la place de son beau-frère ; ni Monsieur Floche, ni l'abbé n'annonçaient les coups ; on n'entendait de leur côté que le roulement des dés dans le cornet et sur la table ; Monsieur de Saint-Auréol dans la bergère monologuait ou chantonnait à demi-voix, et parfois, tout-à-coup, flanquait un énorme coup de pincette au travers du feu, si impertinemment qu'il en éclaboussait au loin la braise ; Mademoiselle Olympe accourait préci- pitemment et exécutait sur le tapis ce que Madame de Saint-Auréol appelait élégamment la danse des étincelles...
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